Vous avez subi un dommage qui vous a empêché de réaliser quelque chose ou de vous accomplir dans un domaine. Vous êtes peut-être victime d'une « perte de chance ». De quoi s'agit-il ? Le point sur la question.
Perte de chance : qu'est-ce que c'est ?
En droit, la perte de chance est une notion jurisprudentielle élaborée dans le domaine de la responsabilité civile (article 1240 du Code civil) :
- Il s'agit d'un élément potentiellement constitutif du préjudice indemnisable (Cass. Crim, 9 octobre 1975, Gaz. Palais 1976, 1, 4).
- Lorsque vous subissez un dommage, la personne responsable est tenue de vous indemniser à hauteur du préjudice que vous avez subi. Ce préjudice peut être moral, pécuniaire, physique, etc.
Bon à savoir : pour être réparable, un préjudice doit être certain et pas seulement éventuel.
Toutefois, la jurisprudence a admis la notion de perte de chance dès lors que le dommage subi par la victime a fait disparaître la probabilité :
- qu'un événement positif intervienne ;
- qu'un événement négatif n'intervienne pas.
Exemple : il y a une perte de chance résultant de l'impossibilité, pour un éleveur de chevaux victime de blessures, de faire participer ses chevaux à des courses en raison de leur état (Cass. Civ. 2, 28 juin 2012, RCA 2012, n° 258).
Bon à savoir : en matière d'assurance, la perte de chance de l'assureur s'entend de la différence entre prime versée et prestation d'assurance payée.
Quelles sont les caractéristiques de la perte de chance ?
La perte de chance, pour être prise en compte, doit être réelle et sérieuse :
- La probabilité de l'événement allégué doit être réaliste.
- La chance doit également avoir été réellement perdue.
Exemple : le candidat malchanceux à un concours, qui peut le représenter, ne justifie pas d'une perte de chance s'il n'a pas fait usage de cette faculté (Cass, Civ 2, 24 juin 1999, jurisdata n° 1999-002698).
Sont pris en compte :
- le temps séparant le dommage et l'événement favorable attendu ;
- les démarches effectuées par la victime avant le dommage afin de concourir ou participer à l'événement.
Exemple : il a été jugé que le simple fait d'avoir postulé pour une promotion en remplissant les critères, et de ne pas l'avoir obtenue, prétendument du fait d'un dommage, ne suffit pas à établir la réalité d'une perte de chance (Cass. Civ. 2, 25 oct. 2002; Resp. civ. et assur. 2002, comm. 12).
Bon à savoir : en matière professionnelle, il faut démontrer ne plus pouvoir obtenir une promotion du fait d'un dommage subi (à titre définitif), ou ne plus pouvoir exercer sa profession. La demande d'une maquilleuse ayant été victime d'un accident de la route a ainsi été rejetée, les juges ayant considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'impossibilité d'exercer à nouveau cette profession (Cass. crim., 23 sept. 2003, jurisdata n° 2003-020922).
Comment évaluer une perte de chance ?
Si votre perte de chance remplit les conditions précitées, elle est indemnisable.
Attention toutefois à ne pas confondre :
- le bénéfice total de l'événement favorable manqué ;
- la perte de chance d'avoir bénéficié de cet événement.
La chance est par nature aléatoire. Ainsi, la réparation de sa perte doit être évaluée strictement : elle ne peut pas correspondre à l'avantage qu'elle aurait apporté en cas de réalisation (Cass. civ. 1, 27 mars 1973, JCP G 1974, II, 17643, note R. Savatier). Les dommages-intérêts concédés à la victime ne peuvent donc représenter qu'un pourcentage de l'avantage espéré.
L'évaluation relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Bon à savoir : sur le plan civil, c’est le tribunal judiciaire qui est compétent (et la représentation par un avocat est obligatoire). Lorsque vous dépendez géographiquement d’une chambre de proximité du tribunal judiciaire et si les sommes en jeu sont inférieures à 10 000 €, le litige sera porté devant la chambre de proximité.
À noter : la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice simplifie la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, en donnant compétence exclusive au juge civil du tribunal judiciaire de Paris, désigné sous le nom de « juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme » (JIVAT), pour traiter le contentieux de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Les juridictions pénales deviennent incompétentes pour connaître des demandes en réparation du dommage causé par l’infraction (article L. 217-6 du Code de l'organisation judiciaire).